jeudi 17 novembre 2016

Le commandement des commandements !



Introduction - Le Décalogue

Bien des passages ont été proposés pour résumer la totalité du message biblique,"Ne fais pas à ton prochain ce que tu abhorres...", comme reformulation du verset "Aime ton prochain comme toi-même" en est l'illustration particulièrement célèbre[1].

D'autre part, dès l'aube du Judaïsme rabbinique nous considérons les dix paroles comme synthèse de la Torah[2]


Philon d’Alexandrie[3], aussi, pose la question de la valeur des commandements: y en a-t-il qui valent plus que d’autres ? 

La mishna dans le traité de Avot (2, 1) ne nous dit-elle pas « sois vigilant dans l'accomplissement d'un commandement simple et léger (mitsva qala) comme lorsque tu en accomplis un très important et grave (ké va 'hamoura) ; car tu ne connais pas la récompense respectives des mitsvot (commandements) » ?

Par conséquent, pourquoi ces dix paroles sont-elles mises en valeur ? Il répond dans un texte entièrement consacré à ce propos[4] :
« Les lois sorties de Sa bouche (= D'ieu) et énoncées uniquement par Lui , constituent à la fois des lois (h’oukim) par elles-mêmes tout comme une table des matières des autres lois, avec leurs particularités ; alors que celles énoncés par le prophète sont toutes dépendantes de celles-ci ».
Philon considère que le Décalogue constitue une sorte de table des matières du contenu des commandements et en cela leur importance est différente des autres commandements. 
Tous les commandements sont ainsi liés aux Décalogue. 
Il ne s’agit plus de voir l’importance prédominante de l’un envers l’autre ou d’un lien de simplicité - gravité, facilité et difficulté des commandements, mais plutôt une relation entre généralité et particularité, ainsi tous les commandements sont compris dans le Décalogue. 
Par conséquent, Philon distingue dix catégories de commandements, selon les dix paroles[5].

Une idée similaire est présentée par le Rav Saadia Gaon (Rassag) dans son sidour, dans ses azharot (poèmes liturgiques traitant des commandements) de Shavouot, ainsi que dans son commentaire sur le Sefer Yetzira [6]. Cette même idée se retrouve encore dans le livre Kad HaKemah' de Rabbeinou Bah'yei (ibn Asher, s.v. Shavouot, 2ème entrée) - le Décalogue serait "l'essence", le résumé, de toute la Torah.

Il ne faut pas négliger le fait que le Décalogue dont le support, les deux tables de pierre, constituent un symbole pour la synagogue et le Judaïsme a été révélé lors de la majestueuse théophanie du Sinaï, il mérite donc qu'on en scrute le contenu avec un soin particulièrement méticuleux. Nous essaierons de nous focaliser dans l'analyse de la première parole.

La première parole - un commandement ?

La première parole du Décalogue est très précise (Shemot 20:2) : 
«Je suis l’Eternel, ton D’, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, d’une maison d’esclavage».
Le Rambam (Maïmonide) commence son Livre des commandements ainsi :
“…qui nous a ordonné de croire en D’ieu - qu’il y a une cause à chaque création, ainsi qu’il est dit : « Je suis l’Eternel ton D’ieu... »“.
Toutefois, le Ramban (Nachmanide) ne manque pas de noter immédiatement dans son commentaire (ibid.): 
« J’ai vu que le “Halakhot Gedolot(il s'agirait, selon le SMaG de Rav Yehoudai Gaon, vivant vers 764 après l'ère chrétienne en Babylonie) n’a pas compté ce commandement parmi les six-cents treize ».
Il omet cependant (volontairement?) de commenter cette affirmation. Selon le Ramban ce commandement est non-positif est compris dans le verset : « Garde [ces commandements] afin que tu n’oublies pas D'ieu »[7] et n’a rien à voir avec notre verset.

En outre, Rav H’esdai Crescas (décédé en 1412) dans son fameux Or Hashem explique : 
« Il se trompe royalement celui qui décompte comme commandement positif de croire en D'ieu… car cela fait partie des choses sur lesquelles la volonté et le choix n’influent aucunement et qui les précède, on peut guère appeler cela un commandement »[8].
C’est à dire, comment l’homme peut-il être ordonné de croire en la réalité de Celui qui l’ordonne ? Cette réalité est présupposée par le commandement en lui-même ! Et s’il a déjà accepté le fait de Son existence, peut-on le lui ordonner une seconde fois ? Il pointe ici un paradoxe lié à l'épicentre de ce commandement, s'il en est.

Pour cette raison, le Rav Avraham Ibn Ezra[9] et le Rav Don Isaac Abrabanel[10] acquiescent avec le Ba’al Halachot Gedolot qui n’a pas compté cette mitzva. 

Cependant, la grande majorité des Rishonim l'ont compté (SMaG, Assin, 1; SMaK, 1; Sefer HaH'inouh' 25; Azharot de Ibn Gabirol, Assin 11-12 et Lo Ta'asse 17; Sefer HaH'aredim chap. 9, 1-2 et d'autres encore). 

En outre, ils comprennent ce commandement différemment. 
En effet, nous nous sommes jusqu'à présent interrogé sur la nature de la première Parole du Décalogue : s'agit-il d'un commandement ou non. Nous avons vu qu'il y a, globalement, trois avis.

Le premier est celui du Rambam et ceux qui le suivent - il y aurait effectivement un commandement de croire en D'ieu.
Il nous semble évident et clair qu'il ne s'agit pas d'une simple croyance mais d'un acte de foi (cf. encore ce qu'il écrit dans sa lettre aux Sages de Montpellier). Il faut chercher à "connaître", intellectuellement, D'ieu, du mieux que l'on puisse et dans la limite de nos capacités.


Le second est celui de l'auteur du livre "Halah'ot Guedolot" qui affirme que cette parole constitue la base de notre foi ainsi que de tous les commandements de la Torah, et cela ne peut, par conséquent, pas être un commandement.

Le troisième avis - celui du SMaG (Rav Moshé de Couçy), du SMaK (Rabbi Itzh'ak de Corbeille) ainsi que de Rav Yossef Elbo dans son "Livre des Principes" (Sefer Ha'Ikkarim I, chap. 14) - constitue d'une certaine manière une synthèse entre les deux précédentes opinions. En effet, ils affirment que cette première parole est bel et bien un commandement, mais pas en tant que "commandement de croyance en D'ieu"; il s'agirait plutôt de croire en Sa Providence (tant générale que particulière), comprise dans les mots "qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, d’une maison d’esclavage" (Ikkarim ; cf. également Drashot HaRan, §9), dans le fait qu'Il va nous délivrer comme Il l'a fait (SMaK), ou d'un commandement concernant la croyance dans le fait que la Torah est d'origine Divine (selon le SMaG ; cf. encore Ramban sur Shemot 20,3).


Quelques réflexions

Le Maharal de Prague[11] explique que le verset vient nous affirmer, nous raconter, la présence Divine non pas comme un ordre, comme un commandement, pour dire « recevez Ma Royauté », mais plutôt pour nous dire quelque chose de plus profond : 
la phase première de la connaissance de l’existence de D’ieu on la connaissait déjà, cependant les mots « Je suis l’Eternel ton D’ieu » viennent exprimer la nécessité de la chose ; 
il n’y a d’autre possibilité que de Le recevoir, car la Vérité n’est ni statistique, ni relative, ni subjective, elle est absolue sans possibilité d’être repoussée, récusée

Selon le Maharal, l'identité Divine n'est nullement le fruit de notre volonté, de notre perception ; au contraire, nos esprits sont limités et déterminés par la Volonté Divine. 

Ceci est par ailleurs ressenti comme un sentiment de "nécessité" par l'homme. 

Cette idée est exprimée par nos Sages dans une allusion profonde: le Mont Sinaï fut retourné sur nos têtes, alors que la Parole Divine retentit dans nos têtes : « si vous acceptez ma Torah, tant mieux, sinon, ici sera votre tombeau » [12].

Cette même idée se retrouve chez le Rav S. R. Hirsch dans son commentaire sur la Torah (Shemot 20:1) lorsqu’il affirme que :
« la vérité basique de l’essence juive n’est pas le fait que je crois en D’ieu...  Mais plutôt qu’Il m’a créé et m’a fait tenir devant mon devoir, Il me crée encore, me guide et me dirige… il m’appartient donc à chacune de mes respirations de sanctifier Son Nom et chaque instant à Son but uniquement… Lui seul permet mon action ».
Cette idée est reprise par le Rav Breuer dans son livre Nah'aliel ; selon lui, si le judaïsme avait été basé sur le libre consentement d'appartenance uniquement, il n'y aurait jamais eu de Peuple Juif. L'identité juive même provient de ce sentiment d'obligation, d'annihilation face au Divin, du fait d'être "au pied du mur" au Mont Sinaï.

On peut retrouver encore, dans d'autres termes, une idée similaire chez le Malbim (ibid.) qui distingue le « Je » (ani) du « moi » (anokhi), dans la première Parole du Décalogue. 
Ani indique quiconque agit, alors que le terme anokhi vient annihiler toute autre existence [13].

Cette réflexion nous pousse à nous interroger sur le rapport entre nous à D'ieu qu'invoque le don de la Torah de manière générale et le Décalogue de manière particulière.



On ne fête pas le don de la Torah !

Pour cela, il nous faut d'abord nous interroger : que célébrons-nous à Shavouot ? Le don de la Torah ? Alors, si c'était le cas, comme on aurait pu le croire, pourquoi n'est-ce pas écrit explicitement dans la Torah ?[14]

"C'est une tradition orale", nous rétorquera-t-on. Pourtant, dans le Talmud [15] il existe une discussion à ce sujet !

L'avis apparemment retenu par la halah'a est que nous avons reçu la Torah le 7 sivan, soit le lendemain de Shavouot [16],




Le temps d'une rencontre

Questions ardues ayant engendré pléthores explications...
Je voudrais toutefois me focaliser sur l'une d'entre elles et invite le lecteur à en méditer d'autres.

Le Rav Naftali Tzvi Yehouda Berlin [17] explique, selon nos Sages, qu'en effet nous avons reçu la Torah le 7 Sivan, mais le projet originel fut de la recevoir le 6.


Il existe donc, ontologiquement, une corrélation entre le don de la Torah et cette fête; nous célébrons ce temps Divin, absolu, "prévu", celui du "don", et non le temps réel, historique, de la "réception".[18]


Ce temps relève de la tradition, permettant la métamorphose du passé en présent; il n'y aurait alors aucune de raison de l'indiquer dans une Torah continuellement vécue.[19]


Shavouot est donc surtout un Projet Divin, un temps prévu de rencontre ; un discours

Pour autant qu'on ne puisse rien dire de Dieu, on peut (presque) tout dire de Sa Parole. 

L'accueillir, l'accepter, signifie être apte à ce rôle d'interlocuteur, d'être séparé, autonome. 

Un "tu", comme dans les Dix Paroles, se laissant atteindre par la parole d'un "Je".

"…Ces tables étaient l'ouvrage de Dieu, et ces caractères, gravés sur les tables, étaient des caractères divins"[20]. 

Nos Sages lisent ainsi: "ne dis pas gravé (h'arout), mais libre (h'eirout)"[21] - liberté intérieure, intime, autonomie de l'être donnant lieu à une hétéronomie, un dialogue. 

"Entendre la parole divine, ne revient pas à connaître un objet, mais à être en rapport avec une substance débordant son idée en moi"[22], dit Lévinas. 

C'est-à-dire qu'entendre la parole Divine force à sortir de soi-même.


Cela peut expliquer pourquoi on lit alors Ruth, livre de la rencontre, du don pour l'autre.

Dans ce livre "l'épiphanie de Dieu est invoquée dans l'apparition d'un visage humain. Dans le visage, la différence irréductible de l'au-delà éclate entre ce qui se donne à moi et se comprend et appartient à mon monde, et ce qui, sous l'ordre ainsi constitué, s'absente, inquiète et éveille".[23]

Le don de la Torah est donc l'événement d'un jour et celui de chaque jour, mais plus encore - c'est une rencontre.




[1] T.B. Shabat 30b-31a.
[2] Bamidbar Rabba 13,16 et 18,21; Zohar HaRakia du Rashbetz ; Drashat Rabbi Bena dans Beit Akad Ha'agadot, II ; Bereshit Rabati de Rav Moshe HaDarshan, Bereshit, 90b ; Midrash Aggada, Vaeth'anan 184b ; T.Y. Shekalim ch. 6, hal. 1 et Ta'anit ch. 4, hal. 5 ; cf. Torah Shelema, tome 16, Milouim 1, p. 203-213.
[3] Philosophe juif hellène vivant à Alexandrie, en Egypte Antique au temps du Deuxième Temple, entre 20 avant l’ère chrétienne à 50 après. Il s’est beaucoup occupé de l’apologétique du judaïsme. Il écrivait en grec et la majorité de ses écrits ont été perdus.
[4] cf. Philon d’Alexandrie, Chapitres de Philon, trad. et mis en page par David Rokach, « A propos des Dix Paroles », éd. Bibliothèque Dorot Yerushalaim, Jérusalem, 1976 (cf. en particulier chap. 3, p. 87); Philon d’Alexandrie, Ecrits, édité par Suzanne Daniel-Nataf, Jérusalem, 5751 (1991),  tome II, p. 190.
[5] cf. Yehoshoua Amir, « Les dix paroles selon Philon d’Alexandrie » in Les dix paroles à travers les générations (édit. Ben-Tzion Segal), Jérusalem, 5746 (1986), p. 99. Il est le premier à effectuer cette catégorisation, mais ne sera cependant pas le dernier. 
[6] cf. à ce propos Torah Shelema, préc. cit., ibid. ; Zohar, par. Yitro p. 569 dans l'éd. du Soulam.
[7] Livre des Commandements, Commandements non-positifs, hassaga 1.
[8] Proposition avant le Ma’amar I ; cf. aussi Rashbetz, Zohar HaRakia, lettre 11-12.
[9] Ad loc., cf. aussi Yessod Mora, portique 7. cf. aussi ce qu'il écrit dans par. Vaeth'anan, Devarim 5,6.
[10] Question 7, sur notre parasha et Rosh Amana, chap. 20
[11] Tiffèret Israel, chap. 37.
[12] T.B. Shabat 88b.
[13] Cf. encore Haktav vehaKabala, ibid. et Rabbi Tzadok HaKohen de Lublin – Ressisei Layla 15, Tzidkat Hatzadik 196.
[14] Cf. Akeidat Itzh'ak, port. 67.
[15] T.B. Shabat 86a-b.
[16] Cette question est posée entre autres par les Tossafot (Hadar Zekenim sur Vayikra 23,16) et le Maguen Avraham (O.H. 494, s.k. 1).
[17] HaEmek She'alaShei'lta 107.
[18]  Une telle distinction se retrouve entre autres dans le Beit HaLévy (Shemot 19), le Shem MiShemouel (Terouma, 5677) et le Sfat Emet (Shavouot, 5643).
[19] Kli Yakar sur Vayikra 23,16; cf. Tanh'ouma, Ki Tavo et Rashi sur Devarim 11,13.
[20] Shemot 32,16.
[21] Avot 6,2.
[22] Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, La Haye, M. Nijhoff, 1961, p. 50.
[23] E. Lévinas, Nouvelles lectures talmudiques, La volonté du Ciel et le pouvoir des hommes, Paris, Minuit, 1996, p. 36.

vendredi 14 décembre 2012

Miketz et H'anouka - l'homme comme épicentre ?


Dans notre parasha on nous parle des rêves de Pharaon qui, d'une certaine manière constituent une réponse à ceux de Yossef, en effet, il y a un même élément qui apparaît : le blé. Il est intéressant de noter que selon un des avis dans le Talmud celui-ci constituerait l'arbre de la connaissance auquel Adam et H'ava ont illicitement goûté (cela est basé sur le fait que blé se dit "h'ita" et faute "h'èt"). C'est donc ce même élément qui nous fait descendre en Egypte, mais surtout qui marque notre lien aux non-juifs, nous nous devons de réparer la nature de transformer le blé en pain, c'est ainsi que Ya'akov lorsqu'il vendit un plat de lentille à Essav, en échange du droit d'aînesse, il lui vendit également du pain ("leh'em venezid adashim"), et c'est ainsi qu'à la sortie d'Egypte le blé devient de la matza (pain azyme) - son ultime réparation…

Yossef interprète les rêves de Pharaon et on nous parle de sept années d'abondance suivies de sept années de sécheresse. Toutefois, la Torah ne nous précise pas pourquoi l'Egypte va être frappée par la sécheresse, auraient-ils particulièrement fauté ?

Pour pouvoir essayer de répondre à cette question, il nous faut comprendre les bases de la société égyptienne. Dans la parasha précédente, nous avons vu que lorsqu' Yossef arrive à la maison de Potiphar, il reçoit de suite un rôle important, de même lorsqu'il arrive en prison, il reçoit directement un rôle à responsabilité élevée. Excepté la Présence Divine qui l'accompagnait, il n'y a rien qui puisse justifier cela si ce n'est un caractère justement égyptien : en Egypte, compte sur l'homme.

L'homme est fort, puissant, dominateur et dominant, il est maître de son sort et de celui d'autrui et cela ne nie en rien l'idolâtrie à laquelle ils s'adonnaient. Dans ce même sens et pour illustrer ce propos, le midrash rabba nous raconte que l'Egypte était pleine de magiciens - hommes illustres aux pouvoirs énormes pouvant changer la réalité, dans son apparence, en tous cas. L'homme au centre du monde. Yossef lui-même est influencé par cette vision du monde, il demande aux maître-échanson et panetier de se souvenir de lui et de rappeler son nom devant Pharaon, il les implore. Nos Sages, dans le midrash, ne tardent pas à critiquer ce phénomène et d'avouer que pour cette raison D' lui ajouta encore deux années supplémentaires en prison. Il est également connu que les Pharaons se considéraient comme étant divins - preuve de cette même vision du monde, l'homme agit, l'homme crée des changements, l'homme est dieu.

Par opposition à cette vision du monde, D' punit l'Egypte par la famine et la sécheresse, soudainement on remarque que tout ne dépend pas de nous, en outre, nul ne sait interpréter les rêves de Pharaon, dont toutes les forces du monde n'aident en rien à comprendre ce qui se passe dans sa propre tête. Il ne peut pas accepter avoir un monde au delà de son conscient.

On aurait pu penser que D' pour réparer cette vision du monde aurait pu puissamment Se dévoiler et montrer aux yeux de tous qu'il n'est aucune rédemption à quiconque compte sur l'homme. Mais D' fait une réparation plus importante. Il ne dit pas : ne comptez pas sur l'homme. Il dit : comptez sur l'homme qui compte sur D' !

Yossef arrive en terre égyptienne et provoque un changement radical dans leur vision du monde. Ses forces, il les puise dans sa foi, comme nous l'enseignent nos Sages. Il fait comprendre qu'ils peuvent compter sur lui, car il est "l'ustensile" de la force Divine. Une fois ce message intégré, les frères peuvent descendre en Egypte et s'y installer.

Cette même histoire, celle de l'homme tout-puissant comme société est également l'histoire de la guerre contre les Grecs, celle de H'anouka. Force physique et esthétique (tels les jeux olympiques), au centre du monde. Antiochus Epiphane était un dirigeant privilégiant la débauche et la violence, ceci constitue la sous société grecque contre laquelle la lutte est évidente. Mais comme dans toute société, il y a également une haute société. Leurs activités - la philosophie, les sciences, etc. ont fait passablement avancer le monde et on leur en est redevable. Toutefois, ces avancées technologiques, et cela est valable de nos jours aussi, sous-tendent très souvent des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Des valeurs comme la démocratie, la tolérance, le droit du particulier, sont évidemment bienvenues dans le judaïsme, mais souvent, malheureusement, elles deviennent unilatérales et extrêmes au point qu'on ne veuille plus se lier au Peuple d'Israël, la notion de communauté disparaît. Cela est évidemment un désastre qui nie toutes les valeurs de solidarité auquel le Judaïsme nous éduque. 

Parfois on sent le téléphone vibrer dans la poche, alors qu'il n'y est pas, n'est-ce pas comme si on nous avait ajouté un organe nouveau aux effets fantômes, auquel on devient dépendant?

Le capitalisme a ses bons et ses mauvais côtés, mais il faut se rappeler que ce n'est pas tant l'homme qui est au centre, mais l'homme qui fait confiance en D' et qui sait quand se battre, car il faut un certain déterminisme et préparation à cela.

H'anouka marque donc l'indépendance du Judaïsme comme culture et comme Peuple, ouverte aux valeurs positives tant qu'elles savent s'intégrer dans nos valeurs nous éduquant en fin de compte à une confiance en D'. Je pense que cette même réparation que Yossef a accompli dans son lien avec l'Egypte, et les Hasmonéens avec les Grecs doit être faite aujourd'hui avec les valeurs occidentales.

dimanche 2 décembre 2012

Parashat Vayeshev et la Terre d'Israël


La vente de Yossef - un acte qui a des conséquences...

La vente de Yossef par ses frères est souvent considérée comme l'une des plus grandes fautes de la Torah. 
Elle fut la cause de la descente de nos ancêtres en Egypte, et ce, pour 210 ans, comme explicité dans le Zohar H'adash (parashat Vayeshev 36a). 
En effet, en contrepartie des 22 ans subis par Yossef en Egypte, ses dix frères (Binyamin non compris, puisqu'il n'y était pas au début) devaient y rester 220 ans, soit la même somme décuplée. 
Cependant, la peine des frères liée au fait de mourir en dehors de la Terre Sainte a permis de diminuer leur "punition" de dix ans. 
Le Ari va plus loin en affirmant que cette faute des dix frères a engendré les dix martyrs juifs tués par les romains (cf. Sha'ar HaPessoukim, parashat Vayetze, s.v. vayiska ima; cf. encore midrash "eleh azkera" dans Otzar HaMidrashim d'Eisenstein, p. 440-448).


Selon le sens simple et littéral des versets, on dirait que la faute réside dans le fait de "voler une âme et de la vendre". Toutefois de nombreux kabbalistes l'ont expliqué différemment: la faute ne se limitait pas uniquement à cela, le problème résidait également dans le fait de sortir un Juste de la Terre d'Israël !

Expliquons cela.

Il est écrit dans le "Sefer HaH'aredim" (Teshouva, chap. 4, p. 216) que le Juste par sa présence en Israël lie la dernière lettre du Tétragramme avec celles qui la précède:
"Et en sortant de la Terre d'Israël, il sépare. Et les Patriarches ne sont sortis qu'en suivant la Parole Divine. En effet, lorsqu'un homme sort d'Israël il fait sortir avec lui La Présence Divine".
Dans le livre "Emek HaMeleh'" (d'un des disciples du Ari, Rav Naftali Bah'rah') il est écrit (Portique 6, chap. 26):
"Le secret de la faute de la vente de Yossef, qui constitue la base (yessod) de l'alliance sacrée (brit kodesh) est le fait qu'il soit d'abord emprisonné par l'écorce (klipa) de l'exil".
C'est-à-dire que les frères de Yossef ont séparé deux sefirot: yessod et malh'out.
En d'autres termes, plus compréhensibles, ils ont provoqué la chute de Juste – élément qui sera une source d'ennuis et de troubles pour les générations à venir; en effet, comme dit, cette faute a engendré l'exil et l'esclavage en Egypte… car les "actes des Pères sont des signes pour les fils", comme l'explicite le Ramban a plusieurs reprises.

Il en est ainsi tout au long de l'histoire juive, nous passons d'un pays à un autre, d'une expulsion à une autre, d'un pogrome à un autre, d'un antisémitisme à un autre, d'une dégradation à une autre, toujours avec ce sentiment que cette fois ça ira… Pourtant une rétrospective dans la Torah nous montre bien que la source de ces pérégrinations réside dans l'acte des frères de Yossef, cette vente malvenue qui nous a détachée de notre Terre alors que tout notre long exil était la conséquence de cet acte.

Puissions-nous connaître la délivrance pleine et entière, Shabat shalom !

dimanche 25 novembre 2012

Entre hellénisme et judaïsme...



Prologue

La fête de H'anouka approche et c'est toujours une bonne occasion d'opposer la pensée grecque à la pensée juive. Cependant, et j'espère le prouver dans un autre article, à l'époque de H'anouka ce n'était pas le problème...
Quoiqu'il en soit, il y a deux aspects intéressants, propres à cette fête juive rabbinique, qui nous permettent d'interroger le lien de la pensée juive à la pensée grecque: le miracle et la Création. Cet article se veut des plus simplistes qui soient, voire inexact, afin d'être compréhensible pour tous...

Le Miracle et Aristote - quel rapport ?

Introduction[1]


La philosophie hellène, en particulier aristotélicienne, bénéficia d’un crédit extraordinaire au cours de l’histoire. Ainsi, elle devint mère de la pensée occidentale pendant une période notoire[2]. De la sorte, Aristote hérita du titre de « philosophe par excellence », étant le seul à pouvoir expliquer le plus largement possible les phénomènes naturels, métaphysiques, éthiques, etc.

La « vérité »

A cette époque, le critère de validité d’une théorie est qu’elle ne put être logiquement repoussée. Par conséquent, toute théorie logiquement prouvée est valide tant qu’elle est irréfutée. Une condition supplémentaire s’impose : ce même paradigme hypothétique doit – théoriquement pour le moins – pouvoir édifier une science traduisant l’ensemble des phénomènes en une vision rationnelle et cohérente.
Aristote, avec génie, y parvint, il recouvra tous les recoins du savoir humain, au point où il en était alors. Les recherches scientifiques d’autrefois étaient dénués de toute méthode systématique, malgré cela, Aristote fit preuve d’un fin esprit analytique, ainsi que d’une précision sans précédent dans ses observations.

La causalité comme théorie

Pour « le philosophe », reprenant la théorie des quatre éléments (eau, air, feu, terre), les objets inanimés sont doués d’une “volonté“ – leur nature ou « essence ». La preuve en est claire, étant donné que tout ce qui est mis en mouvement doit être mû par une force extérieure (puisque l’objet est inanimé), alors il doit nécessairement exister une force qui pousse l’objet en mouvement : c’est le désir de la flèche de revenir au sol, sa place naturelle, sinon celle-ci continuerait à l’infini, tout comme la vache veut rentrer à son étable, ou le cheval à son écurie.
Mais cela n’est pas tout, continuons cette logique un pas plus loin. Si tout ce qui se meut doit être mû, c’est qu’il y a une cause à ce mouvement. Ainsi, tout effet, action ou phénomène est provoqué par une cause, c’est ce qu’on appelle la causalité. Mais comme celle-ci ne peut pas constituer une chaîne infinie, il devient nécessaire de définir un Moteur premier, la Cause en-soi, cause de toutes les causes, immobile puisque première, bref, éternel, sans nature ou « essence », qui met en mouvement sans en être affecté. A cette cause en-soi, il ne peut survenir aucun changement, faisant ainsi son immobilité éternelle. De même, son immatérialité est prouvée par le fait que la matière soit soumise au changement, étant donné sa sensibilité au mouvement - limité au matériel.
Jusqu’ici, l’identification de la cause en-soi avec Dieu ne pose aucun problème. Toutefois, après un développement plus poussé de cette théorie de la phénoménalité, on se rendra compte de certaines problématiques plutôt dérangeantes.

Le miracle – ou le rejet de la phénoménalité

Le Rambam (Maïmonide) écrit dans son Guide des Egarés (II, 25)[3] :

La foi en la “phénoménalité“ telle que la voit Aristote, qui est obligée, qu’aucune essence ne subisse de changement et qu’aucun objet ne change son habitude, sépare la Torah de son essentiel et nie inévitablement tout miracle en plus d’annuler tout ce qui est promis par la Torah ou est menacé [de châtiment]. Hormis si tu interprètes les miracles tels les mystiques musulmans […] sache qu’avec la foi au renouveau (h’idoush) du monde, les miracles sont tous possibles et la Torah devient possible.
Maïmonide nous indique ici clairement quels sont les problèmes[4] : la possibilité du miracle, la Providence divine (hashgah’a), ainsi que le créationnisme s’opposant radicalement à cette vision de l’éternité de la matière.
En effet, selon Aristote, un Dieu immatériel et immobile ne peut créer ou faire surgir la matière, car cette hypothèse suppose un changement dans la substance divine, chose logiquement exclue, comme expliqué précédemment. Par conséquent, la seule réponse possible à l’origine de la matière est que celle-ci est éternelle. Il s’en ensuit qu’il ne peut guère y avoir ni de création et donc de Créateur, ni de miracle « transformant » l’ordre naturel – en fin de compte matériel – et donc éternel et insensible au changement, ou alors c’est que le miracle est une illusion et pas vraiment un changement ! Dans les termes de Maïmonide ce sont les « mystiques musulmans »[5].
« Figé dans son immobilité, le dieu d’Aristote n’a finalement aucune emprise sur le monde. »[6]
Ainsi, nous voyons que la croyance en la possibilité du miracle permet de contredire la vision aristotélicienne du monde et nous oblige donc à voir une main créatrice. Il n’y a guère plus de hasard, malgré l’ordre naturel - la main Divine survient.
« H’anouka » est la célébration du miracle, de ce dépassement de la nature[7]. Signifiant qu’on n’est point limité à la seule matière ou la singularité de son étant, mais plutôt à une quête de transcendance dans l’immanence éprouvée dans la matière. Un tel dépassement sous-tend non seulement la possibilité d’une force transcendante, mais également la possibilité de s’en rapprocher ! La question qui se pose, dès lors, est donc : cette transcendance du Divin constitue-elle une force créatrice ?

Création à partir du néant ou existence précédant l'essence ?

La thèse grecque du naturel, cette vision du cosmos comme tout éternel, fermé sur lui-même, sans commencement ni fin ne peut que tout ignorer d’une expérience de rencontre possible avec un quelconque élément extérieur. L’expérience transcendante est limitée à celle immanente qui lui précède.
Il convient de signaler qu’il existe une différence notoire entre Aristote et Platon, dans leur conception du monde : selon Platon, il existe une matière première – base de toute matière existante, alors que selon Aristote, comme dit, le monde est premier et donc figé[8].
Cette conception anhistorique du monde ne cherche qu’à comprendre la phénoménalité de celui-ci. Dans ce même but, l’examen des étants constitue une avancée vers une compréhension, une connaissance, plus profonde, plus précise des phénomènes.
De fait, ce point, ce passage du néant à l’étant reste inexplicable. Sa conception est même problématique. Ainsi, au Moyen-Âge, de nombreux Rabbins ont pu concevoir que nombre de juifs considèrent que le monde n’a pas été créé à partir du néant, malgré la difficulté théologique posée par une telle assertion[9]. Cette conciliation avec la conception platonicienne du monde est plutôt étonnante[10]. Toutefois, tous s’accordent sur le fait que le monde a été créé à partir du néant, et ce, en contradiction avec la théorie hellène. La question qui se pose, comme dit, est ce passage même : comment peut-on déterminer l’infini, l’enfermer dans des limites ? La retombée pratique d’une telle interrogation définit notre lien théologique à l’Absolu, à l’Infini, en d’autres termes, à Dieu. Ce devrait donc être ce même lien, s’il en est, qui lie le transcendant et l’immanent.
Dans la théologie juive, il existe plusieurs approches. On peut les résumer ainsi : soit le passage s’est fait subitement, sans avertissement aucun, il est d’ailleurs incompréhensible, puisqu’il s’agit de la Volonté Divine (Kouzari) ; Dieu a créé une « matière première » qui a continué Sa Voie, alors qu’Il la dirige (Ibn Ezra) ; la création du monde s’est faite petit à petit (évolution dirigée Divinement ?), c’est l’avis de la plupart de nos Sages, alors que le passage en soi, ne peut être expliqué, comme dit, puisque touchant à une Essence incompréhensible par nos sens et notre esprit.

En résumé, ce point de passage entre le néant et l'étant ne pourra jamais être prouvé, mais est nécessaire à la pensée juive, alors que la pensée grecque le nie totalement, car cela constituerait à admettre une Puissance Créatrice et un changement provenant d'un monde incompréhensible, inintelligible, précédant le logos; or chez les Grecs, rien ne peut avoir préséance sur le logos, sinon celui-ci perdrait sa légitimité...
Dans les midrashim, on compare souvent les lumières de H'anouka à la Création du Monde par le Or HaGanouz (cf. p. ex. ici) constituant un élément essentiel de cette Création ; en tout cas dans la tradition kabbalistique.


[1] Basé sur : J. F. Revel, Histoire de la philosophie occidentale, Stock, Paris 1968; B. Russel, L’aventure de la pensée occidentale, Hachette, Paris, 1961; J. Brun, Aristote et le Lycée, P.U.F., Paris, 1961.
[2] Cf. à ce propos l’exclamation de Candide sur la philosophie, in Candide de Voltaire.
[3] Traduction libre.
[4] Cf. également : Maharal de Prague, Guevourot H’, début de la seconde introduction s.v. vehinehRamban (Nachmanide), Torat H’ Temima, 146-147, s.v. venitbarer.
[5] Les « mitkalmin », maîtres de la Calame. Il semblerait s’agir d’une secte extrémiste de l’islam qui voyait, non seulement dans le Coran, mais également dans la réalité, une signification symbolique et allégorique (cf. Encyclopédie de l’Islam, I, pp. 1098-1100 (M.G.S. Hodgson), ainsi que IV, pp. 198-206 (W. Madelung) ramenés par M. Schwarz, Moreh Nevouh’im, tome I, p. 342, note 9.
[6] H. Infeld, La Torah et les sciences ou mille années de controverses, Gallia, Jérusalem, 1991
[7] La Nature est généralement symbolisée par le chiffre sept (semaine, Création, Menorah, etc.), alors que  l’ordre Divin est justement son dépassement, comme lors de la Brit Mila ou à H’anouka commémorant le miracle, le surnaturel, symbolisé par le chiffre huit (bougies, la lettre h’èt, dont la valeur numérique est huit, etc.) – cf. Maharal, Ner Mitzva, 2ème partie ; B. Gross, « Que la lumière soit », p. 199-208.
[8] Cf. la synthèse du Rambam à leur propos, Guide des Egarés II, 13.
[9] Malgré leur critique et la volonté de prouver la création, cf. p. ex.  : Rav Saadia Gaon, Emounot ve’Deot, I, 1 et suiv. ; Rabbi Yehuda HaLévy, Kuzari I, 67 ; Rambam (Maïmonide), Le Guide des Egarés II, 25, 26 ; Ramban (Nachmanide), comm. sur la Torah Bereshit 1,1 et 1,8 et sur le Cantique des Cantiques 3,9 ; Ritva, Sefer HaZikaron, dans son intro. ; Ralbag (Levi Ben Guershom), Les Guerres de Dieu VI, 17 ; Rav H’esdai Crescas, Or H’, III, 1ère partie, règle 1, chap. 5 ; Rav Yossef Elbo, Le Livre des Principes I, 2 et 12 ; etc.
[10] Le Rav A. I. HaCohen Kook, ne manque pas de souligner que leurs propos concernant la validité d’une morale juive malgré la conception grecque du monde, ne sont vrais que dans une optique aristotélique de la théorie platonicienne (soit néo-platonicienne), où la cause-en-soi (qui est également la « matière première ») oblige le bon, le bien (Shmona Kvatzim I, 446) et a surtout, plus qu’autre chose, un rôle théorique éducatif (ibid., V, 228).

Choses et autres...

Quelques messages et un premier essai

Un nouveau chemin

Après de nombreux jours d'absence : un mariage et plusieurs nouveaux débuts, je me suis vite rendu compte qu'il m'était très difficile d'écrire de bons articles traitant de la emouna à un rythme conséquent. J'ai donc décidé d'ouvrir une nouvelle rubrique liée aussi à la pensée juive, mais sous un autre aspect, peut-être moins profond et plus "journalistique": la Terre d'Israël dans la parasha (péricope) de la semaine. Je pense que c'est également intéressant d'étudier d'autres sujets. Peut-être laisserais-je également place à de libres pensées, dans un style plus proche de Pascal que de Descartes...
Quoiqu'il en soit, je n'abandonne pas mon projet initial, j'ai d'ailleurs deux articles en cours d'écriture ; j'espère pouvoir finir leur rédaction sous peu et ainsi pouvoir les publier. Je n'ai malencontreusement pas tout le temps que je désire à ma volonté...

Un peu de pub...

Je profite également de promouvoir un très bon projet lancé par le Rabbin Yona Ghertman (lien aux articles qu'il a écrit sur le blog Modern Orthodox, que je recommande par ailleurs aussi, ici), également docteur en histoire du droit: le Site des études juives.


Son origine : la volonté de proposer une approche nouvelle des études juives, en français, où les textes proposés allient le respect de la tradition et les méthodes universitaires. 
Son but : diffuser un judaïsme intellectuel de haut niveau. 
Les auteurs : érudits de différents milieux et appartenant à divers courants de l'orthodoxie juive. Au-delà des petites choses qui les séparent, leur point commun est l'amour de l'étude ainsi que de la transmission.



Nous vous invitons donc à consulter ce site : http://www.lesitedesetudesjuives.fr 

Il y a une newsletter qui vous informe des mises à jour. Vous pouvez également rejoindre la page Facebook du site pour être informé de celles-ci. 


La péricope de la semaine - Vayishlah'


"Puis Jacob dit "Ô Divinité de mon père Abraham, Divinité d'Isaac mon père! Éternel, toi qui m'as dit: ‘Retourne à ton pays et à ton lieu natal, je te comblerai’" (Genèse 32, 10)



Il nous faut comprendre quel est le lien entre le début du verset et sa fin. 
Ne peut-on donc pas être comblé en dehors d'Israël ?


Rabbeinou Bah'yei fils d'Asher (Barcelone 1255- Saragosse 1340), disciple du fameux Rashba (Rabbi Shlomo Ben Aderet 1235-1310) propose une explication à cette question dans son commentaire sur la Torah (sur Deutéronome 32,10) à propos du verset: "un pays sur lequel veille l'Éternel, ton Dieu, et qui est constamment sous l'œil du Seigneur, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin".

"La Providence Divine principale est en Israël ; en effet, Dieu veille sur tous les pays, mais Il veille et (dévoile) sa Providence principalement là-bas (c.à.d.en Israël), c'est seulement alors que celle-ci se répand vers les autres pays". 

Ce même commentateur a réitéré cette affirmation lorsqu'il a démontré que les astres n'ont aucune influence sur la Terre d'Israël (comm. sur Deutéronome 31, 16, vers la fin). On comprend maintenant mieux pourquoi Jacob ne peut être réellement comblé qu'en Terre d'Israël.

En réalité, ces propos sont explicites dans le midrash sur notre verset (Bereshit Rabba, 74):
"Les biens situés en dehors d'Israël n'ont pas de bénédiction. Seulement lorsque tu reviendras au pays de tes Pères, Je Serai avec toi".
Nos Sages disent encore à propos du verset (Sifrei, Réèh, 114): "car l'Éternel veut te bénir dans ce pays que lui, ton Dieu, te destine comme héritage pour le posséder" (Deutéronome 15,4): 
"l'Ecriture nous enseigne que la bénédiction ne dépend que de la Terre d'Israël".
Nos Sages nous enseignent donc que le véritable bonheur, le fait d'être comblé, ne se limite pas une richesse matérielle, qui sans celle spirituelle est sans valeur. La Terre d'Israël constitue la valeur spirituelle - le lieu de la sainteté ; la source de la Providence. 
A méditer.